Le jour s'est levé de Téléphone - L'histoire de l'une des chansons préférées des Français
Mardi 8 mai 2018, W9 a consacré une émission aux 20 chansons préférées des français - suite à un sondage IFOP.
Le Jour s'est Levé de Téléphone / les insus ecrite par jean louis aubert est arrivé n°6. Sophie Dobetzky de W9 m'a invité à parler de la chanson, en tant que biographe du groupe Téléphone.
Plus d'infos sur ichbiah.com/telephone-biographie.htm
Extrait de la biographie :
Un mercredi, ils avaient sauté dans un avion jusqu’à Nice afin d’y rencontrer Steve Levine, producteur de Culture Club avec pour intention originelle de lui proposer de produire le prochain album. Levine s’était installé au sein d’un domaine provençal de production viticole située dans les terres à une heure de la ville. Il opérait dans un studio high tech muni d’ordinateurs et de bandes numériques — les premières que le groupe avaient jamais vues. Aubert avait découvert avec stupeur les possibilités d’un échantillonneur appelé l’Emulator — de retour à Paris, il allait courir en acheter un. Le producteur avait acheté quantité de revues pornos, étonné qu’il soit possible d’en acheter librement en France et elles jonchaient le sol, au risque de crisper les visiteuses. Le groupe était logé dans de petites maisons, dans un environnement supérieurement appréciable.
« Dans ma poche, » raconte Jean-Louis, « j’avais une petite cassette avec mes deux morceaux. » Levine avait trouvé « Le jour s’est levé » à son goût et se sentait partant. « Nous lui avons dit : ce qui serait génial, ce serait de les faire dans les quinze jours ». D’abord décontenancé, Levine avait relevé le défi, ajoutant que cela l’amuserait de voir un disque sortir dans un laps de temps aussi court.
Le lundi suivant, ils étaient déjà en train d’enregistrer. Sur un piano, Aubert avait interprété « Le jour s’est levé » et un musicien présent sur place avait transposé la mélodie dans une tonalité plus appropriée au registre vocal du chanteur. À la suite de cela, il avait vu les techniciens taper sur des claviers d’ordinateur. Interloqués, les membres du groupe avaient demandé à Levine ce qui se passait au juste. « Il faut tout rentrer dans les machines, et nous allons programmer », avait répondu ce dernier. Programmer, kézaco ? Ils avaient alors découvert les charmes discrets de l’informatique musicale. Ainsi, Richard ayant joué live, sonnait un peu décalé par rapport à la bande orchestrale. Son jeu de batterie avait été revu et corrigé sur ordinateur, Levine avait retraité les sons de Richard Kolinka sur l’ordinateur afin de les intégrer, recalés à la milliseconde près, sur l’enregistrement.
Une fois les bases programmées, Louis avait joué sa partie de guitare. Corine avait participé aux chœurs mais aussi à la direction des voix. Aubert avait des exigences précises comme des violonistes et une section de cuivres, des ingrédients qui nécessitent ordinairement une certaine préparation. Steve Levine avait fait le forcing et avait obtenu le concours des violonistes de l’Opéra de Marseille. Pour jouer les cuivres, il avait fait venir tout spécialement deux musiciens d’Écosse et un autre d’Angleterre.
Entre le moment où l’idée du 45 tours était venue, celui où il se retrouvait dans le commerce, il s’était écoulé moins d’un mois. Aubert avait quelques interrogations quant à la destinée du disque car « Le jour s’est levé » s’écartait de l’image traditionnelle de Téléphone en présentant une facette plus tendre et moins axée sur les guitares. Leur public de prédilection pourrait-il les lâcher ?
Téléphone s’était produit sur Canal+ dans l’émission de Denizot et avait interprété « Le jour s’est levé ». À la fin du morceau, le présentateur s’était posé en juge d’intégrité rockeuse :
— On m’avait dit que Téléphone c’était du rock. Alors là, ou je n’y connais rien ou ce n’est pas du rock !
Jean-Louis avait tiqué et manqué de renverser le verre qui était posé sur le piano :
— Comment cela, c’est pas du rock ?
« Personnellement, je trouve que c’est complètement du Téléphone, » clamait pour sa part Aubert. Il reconnaissait qu’il était difficile d’apposer une étiquette sur la chanson mais ajoutait : « pour nous, l’important est de faire ce que nous avons envie de faire. »
Lors d’une interview, Corine avait pleinement joué le jeu et pris la défense du nouveau hit : « Aujourd’hui, rock n’est pas un mot facile à définir. Les styles et les genres se mélangent de plus en plus. Téléphone fait de la musique sans chercher à mettre dessus des étiquettes de plus en plus floues. » En revanche, lors des promotions télé, Bertignac faisait la tête, et indiquait par ses bouderies qu’il n’était pas décoiffé par la nouvelle chanson. « Louis trouvait que cela ressemblait trop à une ballade, » se souvient Aubert.
Au final, « Le jour s’est levé » avait été leur plus grosse vente, avec 800 000 exemplaires diffusés. Le ton badin, Louis avait dit un jour à Aubert : « Je n’aimais pas ta chanson, mais depuis que nous avons passé les six cent milles, je commence à l’aimer !... »